A Silentio, Essarter Editions, 2021

 

Par le texte et la photographie, le livre de Claire Laude interroge au moyen d’exemples dans deux pays méditerranéens, l’Italie et la Grèce, notre relation à la terre et la notion de trace et de sa perma- nence dans le paysage.

Quelles traces peuvent laisser l’histoire et les activités des hommes dans un paysage rural ? Quel sens porter à la présence de ces résidus ?

En explorant l’origine, l’évolution, la fonction de deux traditions, et en étudiant le bâti qui les abrite, Claire Laude examine la notion d’empreinte et questionne le besoin de porter attention à ce qui existe, mémoire comme ressources.

 

« Des milliers de papillons passent sur la mer Égée, à Tinos…

Vous pouvez les voir, 

Un nuage passe,

 

 

Un phénomène naturel, pendant la floraison,

Qui arrive une fois tous les vingt ans.

Puis, cela passe.

Les papillons viennent, et soudain, repartent.

Cela dure environ une vingtaine de jours…

Les apiculteurs ne veulent pas les voir *…

C’est magnifique, c’est beau.

Étrange, et bouleversant. »

Dimitri, Apiculteur 

 

 

 

« Les nouvelles constructions en montagne ne sont pas seulement les signes d’une adaptation des espaces agricoles à leur environnement. (…) Les « ghiacciaiae » sont pour moi des bâtiments morts et n’ont plus aucune fonction. (…) »

Alessandro Anderloni, directeur artistique du Film Festival della Lessinia

L’architecture traditionnelle, bien qu’étant un élément fondateur et structurant du paysage rural, est souvent perçue comme archaïque et inutile. Dans les régions de la Lessinia en Italie, du Magne et de Tinos en Grèce, la présence de ces « bâtiments morts » témoigne pourtant silencieusement de mémoires disparues. En cherchant les raisons du vide de ces campagnes, l’histoire de ces restes habités est apparue intrinsèquement liée à celle d’une architecture conçue pour son environnement et pensée dans le paysage rural. Pourquoi tant de villages ont-ils alors été abandonnés ? Quelles traces d’activités humaines subsistent dans ces paysages ? Quels restes peuvent évoquer une ébauche d’oubli ?  

Tout au long du texte, je m’appuie sur une série d’entretiens menés auprès d’habitants et de trois architectes qui ont étudié des années durant les différentes typologies d’architectures traditionnelles des régions de la Lessinia, du Magne et de Tinos. Les entretiens reflètent la nécessité de leur porter mémoire, tout comme l’impossibilité d’éviter leur oubli.

La sédimentation d’histoires, de traces en un lieu, leur transmission, leur évolution, ainsi que le rapport à l’image, l’écrit et l’oral sont au cœur de ma réflexion. Je m’intéresse particulièrement à l’ambivalence résultant de ces différentes formes de témoignages, des anachronismes entre passé et présent.

Ces questions correspondent à des réflexions auxquelles j’ai souvent été confrontée, en tant qu’artiste et architecte : comment préserver la mémoire de ce qui se détruit, de ce que nous détruisons ? Comment en accepter la perte ?

 

(Introduction)

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