« Le Pli», Michel Le Belhomme, Der Greif Online 30/01/2014

 

Le titre de cette série « WHEN WATER COMES TOGETHER WITH OTHER WATER »  a pour origine  l’univers littéraire de l’immense nouvelliste américain RAYMOND CARVER, qui se caractérise par une écriture concise où les silences de ses personnages , cabossés de la vie, valaient tous les mots. En quelques lignes, il avait l’art de l’ellipse.

 

 

La série de CLAIRE LAUDE est à aborder par le chemin de l’introspection et donc également de l’ellipse, ces images ne représentent en fait qu’une seule, vaste et contradictoire dérive identitaire, parfois psychique (et abordé alors d’un point de vue) parfois physique.

L’introspectif est un exercice délicat, une juste distance est nécessaire afin d’échapper au risque du m’as-tu vu outrancier. La première qualité de ce  travail est d’éviter justement cet écueil, CLAIRE LAUDE joue de cette présence devenue illusoire en opérant des contractions entre le réel et son double  avec délicatesse, elle s’affranchit de la facilité de vouloir tout montrer et de tout donner en pâture à l’œil boulimique par un certain dépouillement. Elle nous accompagne  ici dans un labyrinthe ou chaque image est la pièce d’un puzzle. Elle enchaine paysages à l’ailleurs indéterminable proche de l’effacement (ces voyages immobiles possèdent une intemporalité indéniable), et corps, de dos le plus souvent, en situation d’équilibre précaire. Chacun représentant l’extension et la vision mentale de l’autre, comment ne pas ressentir un fort sentiment de solitude et de vulnérabilité en regardant cet arbre, seul résistant à la destruction, ou cette bibliothèque, ombre d’elle-même où tous les livres sont inversés, entre il y a cette figure, presque primitive, isolé et chancelante, présente et pourtant si absente. CLAIRE LAUDE se joue ainsi du pli, repli, de l’inversé et du déplié de la présence.

Cependant cette précarité n’est pas à prendre sous le seul spectre de la mélancolie, cette série joue certes de l’invisible et du basculement, mais elle nous amène à faire l’expérience  de quelque chose d’essentiel, d’osseux ; j’entends par là un positionnement presque structuraliste qui est détaché de tout maniérisme, cette nature et sa nature, sur lesquelles elle intervient ou par lesquelles elle se joue, crée une atmosphère aux éclats brisés. Les teintes se font tactiles plus que visibles, elles sont retenues, se rapprochant ainsi d’un souffle vital, elle préfère le spectral au spectaculaire. Il n’y a aucune posture, aucune artificialité dans ce travail, il se déroule  ainsi à contre-courant de biens des facilités actuelles. Elle ne montre rien de trop et donc de superflu. On effleure une surface qui en soit nous reste impalpable. Ce jeu de miroir se révèle et nous révèle une photographie en périphérie, qui n’est pas qu’image et présence et dont l’intérêt et le rôle demeurent donc dans le pli.

« Peut-être que je n’avais rien dit » -RAYMOND CARVER (Les Vitamines du Bonheur).

 

 

 

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